Une fête dans un contexte mondial préoccupant

Une fête dans un contexte mondial préoccupant

01 novembre 2023 Sebastian Jüngel 4497 vues

La Conférence mondiale du Goetheanum s’est tenue du 27 septembre au 1er octobre avec des conférences, des entretiens et de l’art (eurythmie, théâtre et musique).


Quelle fête ! Quelque 950 personnes liées à l’anthroposophie et venues d’une cinquantaine de pays ont rallié le Goetheanum, comme si de rien n’était, pour participer à cette rencontre sur le thème Redessiner le mouvement mondial. Sans nous connaitre, nous eûmes le sentiment d’être une même famille. Parfois plutôt discrètes, parfois évidentes dans des projets concrets, les forces du cœur et de la volonté étaient palpables, souvent incarnées par la personnalité de chacun.

Positionnement de départ

La préparation du centenaire de la refondation de la SAG qui sera célébré en fin d’année a aussi permis que cet événement soit présent lors de la rencontre. Comme alors, l’humanité vit une situation dramatique : pays en crise, en guerre dans le monde entier, technologie (aujourd’hui numérique) omniprésente qui agit sur l’enfance et qui, en tant qu’IA, remet en question la spécificité de l’humain et délitement de la compréhension des valeurs fondamentales.

La situation de départ est pourtant différente. Il y a cent ans, l’anthroposophie faisait ses premiers pas ; un premier pan (encore inachevé) de son histoire documente son impact. Au lieu de faire face aux ruines calcinées du Premier Goetheanum, nous pouvons à présent nous rencontrer et discuter dans le Second Goetheanum et ses environs. La responsabilité de chacun est à nouveau sollicitée, afin que l’impulsion culturelle anthroposophique continue à vivre.

Une introduction à la trompette, jouée depuis la galerie de la Grande Salle, a ouvert cette rencontre michaélique, accompagnée par la descente sur scène de Guernica de la Ecologia, tapisserie de Claudy Jongstra au titre évocateur des enjeux écologiques. Des participants désignés d’avance montèrent sur scène pour l’observer et quatre d’entre eux donnèrent un aperçu de leurs perceptions.

Chacun fut ensuite invité à échanger sur la terrasse avec quelqu’un (Quelle est la question brûlante que j’apporte ?), puis dix minutes plus tard avec une autre personne (Qu’est-ce qui me porte dans ma vie ?) et, dix minutes après, avec une autre encore (Qu’est-ce que j’apporte comme question ou projet ?).

Une fête doit être festive. De nombreuses œuvres d’art avaient pris place (et sont encore présentes) dans le Goetheanum et tout autour : tapisserie dans la Grande Salle, bas-relief en acier inoxydable martelé de Peter Goehlen à l’accueil, peintures de personnes en situation de handicap dans la Salle de la Terrasse, sculptures de Ferose et peintures de Stéphane Zwahlen (voir Anthroposophie aujourd'hui n° 10, 2023) au Goetheanum et dans le parc. Les œuvres en fer, à elles seules, montrent que nous vivons à l’époque de Michaël, avec des tâches à accomplir auxquelles nous devons nous atteler. La nouvelle exposition permanente sur Rudolf Steiner, la SAG et les sections de l’École de science de l’esprit montre notamment comment procéder.

Richesse des contenus et des initiatives

Des apports sur la volonté, la pulsation cœur-poumon et la clairvoyance de l’esprit présentèrent une riche substance. Peter Selg attira l’attention sur la volonté, un phénomène tardivement documenté (voir la brève documentation). Christine Gruwez et Constanza Kaliks firent vivre la dimension cœur-poumon jusque dans leur façon de parler.

Christine Gruwez évoqua d’abord la mobilité : de l’extérieur vers l’intérieur, le redressement de l’être humain entre hauteurs du cosmos et profondeurs de la terre, ainsi que son déploiement à l’horizontale. La sphère du cœur s’éveille, une chaleur, un centre, un cercle se forment. Suit alors le rythme des temps, dont découle la contemporanéité. Elle associa ces qualités au courage : oser le fragment fait entrer dans un espace des possibles, qui est plus qu’une forme unique. Par le courage de la vulnérabilité, je reconnais que, d’une certaine façon, je ne vis pas dans un monde pénétré par Dieu, mais dans un monde où, grâce à Michaël, je ne perds pas contact avec le monde spirituel. Le courage de s’éveiller doit être complété par le fait de rester en éveil.

Constanza Kaliks partit du principe que nous sommes, en tant qu’humains, reliés au moi du monde dans le centre du centre, le cœur, et ainsi en relation avec le temps et le monde des actions en devenir. Se référant à Paulo Freire, elle attira l’attention sur le fait que chacun représente sa « condition », qui ne constitue pas une « détermination », mais permet à quelque chose de neuf d’advenir.

Christiane Haid et Wolfgang Tomaschitz explorèrent dans un dialogue le domaine de la voyance de l’esprit, principalement à travers la valeur du penser (documentation légèrement abrégée).

La richesse de l’engagement anthroposophique se manifesta d’autre part à travers de nombreux projets et actions, par exemple dans la force et le potentiel formateur des visions, l’importance de l’action individuelle face à la permanence et à la létalité institutionnelles. À maintes reprises fut évoqué que l’anthroposophie peut donner une force neuve aux traditions culturelles en contribuant à en révéler le contenu spirituel.

On a pu aussi percevoir le caractère sérieux et engagé dans la création des nombreux jeunes participants, par exemple lors de leur présentation scénique qui créa un pont avec la séance inaugurale de la rencontre.

Le choix de l’anglais et de l’allemand comme langues principales et les traductions en chinois, espagnol, français, italien, portugais et russe montrèrent aussi le caractère mondial de l’événement.

Premier écho

Après ces journées intenses, j’ai éprouvé un sentiment de lendemain de fête : la fête fut belle, plutôt copieuse... Le groupe de préparation évalue les nombreux retours et résultats. Les premières impressions évoquent une rencontre très réussie, de la gratitude, un programme équilibré à bien des égards, un Goetheanum marqué par l’ouverture d’esprit. J’ai aussi entendu chez certains le souhait de formats plus agiles, dans lesquels quelque chose prend forme entre participants.

Après évaluations et discussions, les engagements pris et les résultats de cette Conférence mondiale feront l’objet d’un rapport à une date opportune.