Une nouvelle étape dans l’histoire de l’opéra

Une nouvelle étape dans l’histoire de l’opéra

28 février 2025 Sebastian Jüngel 483 vues

Placée sous la direction de Jasmin Solfaghari, la mise en scène au Goetheanum de ‹ Parsifal › (Richard Wagner) a marqué l‘histoire de l‘opéra grâce à l‘intégration de l‘eurythmie. La metteuse en scène y associe l‘art et la science. Fruit d‘une coopération entre Schott Music et Pamy Mediaproductions, l’ouvrage consacré à cette entreprise donne de multiples éclairages personnels et professionnels sur l’histoire complexe de cette mise en scène.


Dès le départ, les conditions générales étaient particulières : les répétitions se sont déroulées pendant sept semaines dans les décors originaux. Cela a permis une étroite collaboration entre la metteure en scène Jasmin Solfaghari et les responsables de la scénographie et des costumes (Walter Schütze), de la musique (Roland Fister), de l‘eurythmie (Stefan Hasler) et des éclairages (Klaus Suppan).

Pour la metteure en scène, l‘une des questions principales concernait l‘intégration de l‘eurythmie : « Les eurythmistes vont-ils masquer les chanteurs, capables de raconter eux-mêmes leur histoire ? Comment réussir à inventer des actions en harmonie avec les chanteurs ? » Philologue, musicologue et philosophe, Lea Zeiger rapporte des répétitions « la crainte, diffuse mais permanente, d’une collision entre eurythmistes et acteurs». L‘eurythmie a été ajoutée tardivement afin que les chanteurs et le chœur puissent se concentrer « sans restriction » sur leurs rôles. Les critiques ont salué l‘idée de représenter la lance, le Graal et le cygne par l‘eurythmie.

Même s’il est courant d’intégrer l’eurythmie dans des actions théâtrales, il fallut trouver comment gérer des conditions spatiales inhabituelles. Stefan Hasler décrit ainsi le défi que représenta « l‘espace scénique, à la fois concis et imposant sur le plan architectural » : « Faute de place, les chorégraphies d‘eurythmie ont souvent dû être réduites à l’extrême ». L‘accent fut mis sur le « geste général […] dans le cadre plus large de l‘action ».

Quant à la scénographie, Walter Schütze s‘est inspiré d‘éléments architecturaux du Goetheanum. La Grande Salle avec ses « vitraux colorés » n’a ainsi été assombrie qu’« une fois les spectateurs installés ». Un autre défi consista à maîtriser les différentes approches de l‘espace et de la couleur : « Dans l‘eurythmie, les couleurs des espaces correspondent souvent à celles des costumes. À l‘opéra, nous travaillons plutôt avec des contrastes. [...] En eurythmie, par exemple, on utilise souvent comme couleur de base de l’espace un bleu très foncé, presque gris à première vue, mais qui se compose de quatorze couches de couleur qui ressortent sous l’effet de la lumière d’une couleur différente. » Walter Schütze ajoute que cela correspond à sa propre approche lorsqu’il crée par exemple un espace gris argenté.

Jasmin Solfaghari et ses partenaires de la scène et de la technique parlent librement de leurs challenges. L‘image de l‘homme et de la femme dans Parsifal en fait partie. Le livre présente également des sujets tels que l‘anthroposophie et Wagner, l‘histoire de la naissance de l‘eurythmie et les productions de ‹ Parsifal › au Festspielhaus de Bayreuth, Allemagne. Ces éclairages illustrent la méthode de travail de Jasmin Solfaghari : créer un lien entre art et science, en l’occurrence à travers une coopération avec l‘Institut de musicologie de l‘Université de Tübingen, Allemagne.


Traduction Jean Pierre Ablard

Livre (en allemand) Jasmin Solfaghari (éd.) : Ich schreite kaum, doch wähn’ ich mich schon weit. Parsifal am Goetheanum, Schott Music 2024, 272 pages, 34,50 Euro

Photo Livre sur ‹ Parsifal › au Goetheanum dans la mise en scène de Jasmin Solfaghari (livre : Schott Music ; photo d'arrière-plan : François Croissant)