Comment sais-tu que tu es humain ?

Comment sais-tu que tu es humain ?

25 septembre 2019 Christiane Haid 5252 vues

Pour l’avenir, la technique nous promet une libération radicale des expériences humaines fondamentales que sont la maladie, la vieillesse et la mort. Il est prévu d’arriver à l’immortalité à travers le téléchargement du contenu conscient du cerveau humain sur une machine. À partir de là, l’être humain ne serait plus soumis à la décomposition et finalement la mort de son corps.


Il y a déjà 2 500 ans, maladie, vieillesse et mort furent les vécus-clé qui mirent Siddharta Gautama, le futur Bouddha, sur le chemin de l’illumination. Il quitta la vie protégée au palais royal et partit connaître le monde avec le but d‘éviter maladie, vieillesse et mort. Dans un premier temps, Bouddha connut l’ascèse, devint disciple de divers maîtres sans trouver de réponse à ses questions. Jusqu’au jour où, dans une méditation de 49 jours, en lutte avec toutes sortes de tentations et de démons il accéda, sous l’arbre de Bodhi, à l’illumination. Maladie, vieillesse, mort et la souffrance qui en résulte étaient pour le Bouddha l’expression de l‘enfermement de l’homme dans le terrestre et dans sa corporéité. C’est en surmontant la soif de l’existence et de la réincarnation que l’on peut vaincre la souffrance. Un but lointain est la libération de la roue des réincarnations.

Distorsion des images intérieures du Bouddha

À regarder les intentions des transhumanistes devant cet arrière-fonds, elles semblent être des distorsions des images intérieures du Bouddha. Dans le modèle transhumaniste, c’est la machine qui remplace ce que Bouddha voulait atteindre par l’activité spirituelle. L’affranchissement de la roue des réincarnations devient ainsi une vie éternelle du contenu conscient du cerveau sur la terre. On peut y voir deux gestes polaires : d’une part la volonté de se libérer de la terre, d’autre part l’enfermement. Mais l’enseignement du Bouddha avait une deuxième qualité, centrale et innovatrice, qui n’est pas présente dans le transhumanisme, centré sur le moi individuel : l’enseignement de la compassion et de l’amour. C’est par lui qu’il est entré dans le monde et par le Christ qu’il est devenu action vivante. Se tourner vers le tu, qui permet l’éveil du je, est la clé. Dans les deux mouvements de pensée et façons de vivre, le sens de l’incarnation dans un corps physique sur terre reste une question ouverte. L’incarnation du Christ et son sacrifice en devenant homme a donné une qualité toute nouvelle à l’incarnation dans un corps. Le corps est dès lors l’instrument dans lequel le moi humain peut trouver domicile dans le monde grâce à ses sens. Cette domiciliation ne sert pas seulement à la formation du corps, elle a d’un point de vue intérieur pour mission de spiritualiser le monde à travers un regard en quête de sens. Alors l’homme devient le lieu où le monde se reconnaît lui-même. La question du robot Sophia « Comment sais-tu que tu es humain ? » doit être prise au sérieux et nous pouvons apprendre à la comprendre à l’aide de la maxime d’Apollon dans la Méditation de la Pierre de fondation : « Ô, âme humaine, connais-toi toi-même telle que tu vis et œuvres dans l’esprit, dans l’âme et dans le corps. » (GA 260, Dornach 1985, p. 63)


Congrès « La fin de l’humain ? II ». Des chemins à travers le transhumanisme et pour en sortir (en allemand, traduction en anglais réalisée par la section de la jeunesse), du 18 au 20 octobre 2019 au Goetheanum.

Web
www.goetheanum.org/tagungen/das-ende-des-menschen-ii