Des intuitions basées sur la perception

Des intuitions basées sur la perception

28 janvier 2024 Jean-Michel Florin 1769 vues

Le projet « Perception active à la base d’une action libre dans l’agriculture » vise à poser les éléments fondamentaux d’une action responsable.


Accompagné de diverses incertitudes économiques et sociales, le chaos climatique actuel complique de plus en plus le travail des agriculteurs et agricultrices. Il est toujours plus difficile de s’appuyer sur des méthodes que l’on disait éprouvées. Le temps est, par exemple, si changeant qu’il est malaisé de savoir quelles cultures prospéreront. Comment les agriculteurs et agricultrices peuvent-ils exercer leur perception de l’état de la ferme, du sol, des plantes et des animaux pour prendre, malgré ces incertitudes, des décisions appropriées ?

Aujourd’hui, la tendance est au smart farming : cette agriculture connectée utilise le monitoring des données et la prise de décision à distance sur la base d’algorithmes. Son objectif déclaré est de travailler de manière plus précise et plus propre. De ce fait, les actions humaines sont de plus en plus contrôlées par des machines. L’homme perd sa souveraineté ainsi que sa responsabilité quant aux conséquences de ses actes. Même s’il leur arrive d’utiliser le monitoring des données, les biodynamistes souhaitent exercer leur propre perception et permettre ainsi une action autonome et responsable. À cela s’ajoute l’individualisation des actions. Cela signifie que les agriculteurs et agricultrices doivent observer de mieux en mieux leurs fermes afin de pouvoir en développer davantage le potentiel.

Dans son Cours aux agriculteurs (GA 327), Rudolf Steiner donne une indication que de nombreux biodynamistes qui ont réussi suivent plus ou moins consciemment : « Prenons maintenant un paysan, [...], qui se promène dans son champ. L’homme instruit dit que le paysan est stupide, mais en réalité ce n’est pas vrai, tout simplement parce que le paysan [...] est en fait un méditant. Ce qu’il médite pendant ses nuits d’hiver, c’est beaucoup, beaucoup de choses. Et il se les approprie déjà, ce qui est une façon d’acquérir des connaissances spirituelles. Mais il ne peut pas le dire. Et c’est ainsi, c’est là, tout d’un coup. On se promène dans les champs, et tout d’un coup, c’est là. [...] C’est à ce genre de choses qu’il faut en fait se rattacher » (GA 327, 11 juin 1924).

Perception intérieure de la ferme

C’est précisément ce que nous essayons de faire dans notre projet de recherche. Dans le cadre d’un avant-projet sur le thème de « l’individualité agricole », nous avons rendu visite à quelques agriculteurs et agricultrices expérimentés. Nous avons mené avec eux des entretiens approfondis selon la méthode de la recherche sociale qualitative.

Les premiers résultats sont très intéressants. Chacun a sa propre approche, sa propre « porte » vers la perception intérieure de la ferme, qui conduit parfois à des « intuitions » ou des décisions importantes. Souvent, cette perception globale survient lors d’une activité rythmique (comme la traite ou une marche à travers les champs) ou à un moment particulier de la journée. Deux témoignages peuvent illustrer ce propos :

« Je dois par exemple décider où les chèvres iront brouter la prochaine fois. La décision est prise pendant le travail avec le troupeau. J’ai une sensation de l’ensemble, une intuition de l’avenir concernant la façon dont les plantes vont pousser dans les prairies » (EF).

« Entre Noël et le Nouvel An, le lien avec la terre est particulièrement intense. Lorsque je me promène alors sur ma terre, il me vient la bonne inspiration pour l’année à venir. Le terrain me dit ce dont il a besoin et ce qu’il faut faire » (MH).

Perceptions concrètes

Nous souhaitons élargir cette étude pilote à certains thèmes (perception du sol, des plantes, des animaux, etc.) et traiter les résultats de manière à fournir des idées concrètes aux agriculteurs, à ceux et celles qui forment et conseillent, afin que les paysans et paysannes d’aujourd’hui et de demain apprennent comment acquérir des « intuitions » libres et responsables pour leurs décisions importantes, à partir de perceptions concrètes sur le terrain.


Lien pour les dons Sektion Landwirtschaft/Forschung/Projekte

Un siècle d’existence et des recherches en cours

L’École de science de l’esprit a été inaugurée lors du Congrès de Noël de 1923-1924. En préalable à la commémoration de cet évènement, la Direction du Goetheanum a documenté les projets de recherche actuels de l’École dans une brochure intitulée Einblicke. Certains de ces travaux, à commencer par ceux qui concernent des exercices de perception, sont présentés dans Anthroposophie aujourd’hui.
Sebastian Jüngel