Une œuvre d'art totale

Une œuvre d'art totale

19 avril 2023 Wolfgang Held 3383 vues

Revue de presse concernant la mise en scène de Parsifal par Jasmin Solfaghari au Goetheanum. Compilation : Wolfgang Held.


« Prise au sérieux de la sacralité »

Björn Florian Fuchs de la Deutschlandfunk ne voit dans la mise en scène ni interprétation ni message, mais plutôt une « prise au sérieux de la sacralité, de l'atmosphère sacrée de l'œuvre ». Le « transfert » des accessoires peut être perçu comme un « plaisir esthétique ». La musique de l'Orchestre philharmonique de Baden-Baden sous la direction de Roland Fister « joue parfaitement bien son rôle », remarque qui vaut aussi pour les chœurs. Fuchs évoque une œuvre d'art totale, « considérablement alimentée, animée et dynamisée par la metteuse en scène Jasmin Solfaghari ». Malgré un petit manque d'énergie au troisième acte, il juge que la distribution est bonne. « S'engager dans cette soirée de cinq heures apporte énormément, élargit l'horizon, et pas seulement pour les wagnériens : l'eurythmie et l'esthétique théâtrale de Rudolf Steiner se situe tout simplement au-delà de tout religieux et métaphysique, c'est aussi un phénomène culturel et nous assistons ainsi à un pan d'histoire culturelle ». (Deutschlandfunk, 3.4.2023)

Photo : François Croissant

L'eurythmie crée des « passerelles de sens »

« La mise en scène de Jasmin Solfaghari, les chorégraphies eurythmiques de Stefan Hasler et le décor de Walter Schütze donnent un résultat étonnamment équilibré et fournissent des pistes de réflexion riches de sens. Parmi la distribution, se distinguent Ivonne Fuchs, une extraordinaire Kundry et Alejandro Marco-Buhrmester dans son rôle d'Amfortas », écrit Roland Dippel dans la Neue Musikzeitung. Le critique décrit la façon dont la troupe d'eurythmie et les professionnels de l'opéra se sont mutuellement inspirés : « On n'a sans doute jamais vu auparavant sur la scène du Goetheanum une conception des lumières aussi élaborée qu'ici, avec cette façon de mettre en valeur les parallélépipèdes et les éléments en gradins dessinés par Adolphe Appia ». L'eurythmie crée des « passerelles de sens » et il en résulte de « puissants effets théâtraux ». Ivonne Fuchs, dans le rôle de Kundry, est considérée comme la « découverte vocale de la soirée ». Dippel voit dans les costumes de Walter Schütze une sorte de jeu entre le Moyen-Âge des livres d'images et le mouvement de Lebensreform du 20e siècle. Il relève la « sonorité globale large et ouverte » de l'orchestre et des chœurs, attribue à Alejandro Marco-Buhrmester (Amfortas) une « maîtrise souveraine » et à Andreas Hörl (Gurnemanz) une « forte plasticité vocale ». Dippel note en conclusion que la mise en scène est « une impulsion essentielle concernant la pertinence du théâtre (musical) et les groupes cibles de l'avenir ». (Neue Musikzeitung, 8.4.2023)

Photo : Ariane Totzke

« Explorer l'âme et la rendre palpable »

Bernhard Doppler (MDR-Klassik) s'étonne, comme beaucoup d'autres critiques, qu’il ait fallu attendre 100 ans après l’achèvement du Goetheanum pour y jouer le Parsifal de Wagner. L'eurythmie donne pourtant naissance, selon lui, à des « confrontations dramatiques et des récits pathétiques qui, en comparaison avec la danse, déploient toute une dynamique théâtrale ». Si Doppler regrette l'absence dans la mise en scène « d'une interprétation critique et intellectuelle, peut-être même teintée d'ironie, de la pensée de Wagner », il souligne en revanche la performance musicale : « C'est principalement la performance musicale très professionnelle qui impressionne à Dornach. L'orchestre est peut-être trop grand, la musique de Wagner est peut-être toujours trop violente pour l'esprit Waldorf. Mais d'un autre côté, telle une expérience partagée, elle enveloppe sans cesse les spectateurs, même en venant de l'arrière. Roland Fister dirige son orchestre philharmonique avec efficacité, les chanteurs maîtrisent sans peine leurs parties monumentales, montrent leurs blessures et nous font souffrir avec eux ». Doppler voit dans cette mise en scène une tentative « d'explorer l'âme et de la rendre palpable ». C'est pourquoi elle constitue, selon lui, une alternative à l'opéra traditionnel. (MDR-Klassik, 4.4.2023)
Photo : François Croissant

«Une contribution non dénuée d'intérêt»

Fabian Kristmann, du Basler Zeitung, note que le style de mise en scène de Jasmin Solfaghari permet une gestion rigoureuse des personnages. Il l’aurait cependant souhaité plus théâtrale : « La scène de séduction entre Kundry et Parsifal était à la limite du concertant. À plusieurs reprises, Kundry a adopté une attitude de récitante ». Kristmann loue en parallèle sa compréhension du texte et son intonation. Il a perçu chez Gurnemanz « un timbre riche et rocailleux ». Le « son wagnérien saturé » de Roland Fister a résonné par moments au détriment de la différenciation. Kristmann a vécu l'eurythmie comme une « aura émotionnelle ou thématique » qui a parfois agi comme une redite. Il souligne en revanche que la représentation eurythmique du Graal, de la lance et du cygne donne à la mise en scène « un sens supplémentaire, directement perceptible ». Le Goetheanum, conclut Kristmann, a apporté avec cette mise en scène « une contribution non dénuée d'intérêt ». (BAZ, 3.4.2023).
Photo : François Croissant

« Naturaliste, clair et proche du texte »

« Si le festival scénique sacré a eu un effet cohérent en dehors du temple que représente l'opéra de Bayreuth, c'est bien ici ! ». C'est par ces mots que Christian Wildhagen commence sa critique dans la NZZ, en faisant référence à la situation exclusive du Goetheanum. Il ne décèle aucune « anthroposophie » dans la mise en scène : « Ceux qui s'attendaient à ce que ce Parsifal soit une appropriation ou une réinterprétation du Parsifal se sont trompés ». Wildhagen décrit la représentation eurythmique des différents attributs comme « une manœuvre intelligente » et y voit une référence au postulat de Rudolf Steiner concernant un monde immatériel. Il qualifie le style de mise en scène de Jasmin Solfaghari de « naturaliste, clair et proche du texte ». L'orchestre placé sous la direction de Roland Fister s'est surpassé et sonne à ses oreilles de manière aussi suggestive qu'à Bayreuth. Et de noter : « On n'entend pas tous les jours une confrontation aussi saisissante entre Parsifal et Kundry, même là-bas ». (NZZ, 6.4.2023)
Photo : François Croissant

Vente des billets pour les représentations de Pâques 2024 à partir du 1er juillet 2023.
Plus d'informations
parsifal-wagner.ch

Illustration
Prise de vue lors des répétitions de Parsifal de Wagner au Goetheanum.
Photo
Ariane Totzke