Prendre en compte la singularité de chaque être humain

Prendre en compte la singularité de chaque être humain

01 mars 2019 5230 vues

En mai 2018, Bert Chase prenait ses fonctions de secrétaire général de la Société anthroposophique au Canada. Enfant, cet architecte a fait une expérience impressionnante avec la nature. Dans cette interview, il parle de l’être des Canadiens et de la vie dans ce pays.


Sebastian Jüngel : Quel est le « goût » du Canada ?

Bert Chase
: Cela devrait être le goût d’une lumière claire et cristalline et d’une eau froide de glacier – avec un soupçon de sirop d’érable.

Jüngel
: De combien de pays et de civilisations se compose le Canada ?

Chase
: L’un des plus beaux cadeaux que le Canada offre au monde est de se percevoir comme une mosaïque culturelle, ouverte à tous les peuples et civilisations et basée sur les trois piliers que sont les « First Nations », les Français et les Anglais. Cette image est une étoile que nous suivons. Nous luttons pour être à la hauteur de cet idéal qui pour nous est au service de l’humanité.

Aspiration à l’universalité michaélique

Jüngel : Quelles sont les qualités du Canada qui sont déjà anthroposophiques ?

Chase
: Quand les Canadiens sont en forme, ils sentent une aspiration profonde vers une universalité michaélique qui prenne en compte la singularité de chaque être humain. En revanche, quand ils ne sont pas en forme, ils tombent dans cette scission sectaire qui a infecté une bonne partie de la culture dans le monde. Alors, ils ne se sentent pas bien et se souviennent de l’appel à développer leur propre vision d’une humanité commune.

Jüngel
: Dans quels domaines l’anthroposophie au Canada est-elle forte ? Savez-vous pourquoi ?

Chase
: Plus qu’un pays, le Canada est un continent gigantesque. Chaque domaine a ses points forts et ses devoirs. Ce que tous les Canadiens ont peut-être en commun est une culture du souci de l’autre – du pays, des enfants, des personnes ayant des besoins particuliers, des anciens, des prisonniers. Au Canada, il a fallu se faire confiance l’un à l’autre pour survivre dans ce climat hostile. Cette conscience sociale est le fondement tacite dont nous dépendons.

Jüngel
: Lorsque vous avez été approché pour prendre les rênes de la Société anthroposophique au Canada, avez-vous ressenti un changement dans votre rapport au génie du peuple du pays que vous alliez représenter ?

Chase
: C’est une question exigeante avec laquelle nous vivons depuis des décennies. Quel est cet être avec lequel nous essayons de nous orienter ? Nous avons l’impression qu’il ne s’est pas encore entièrement révélé, que nous le cherchons comme il nous cherche. Mais dès maintenant, nous avons le sentiment que cet être est proche de Michaël, qu’il fait partie de son entourage.

Le miracle de la collaboration proche : Rudolf Steiner et Edith Maryon

Jüngel : L’architecte que vous êtes est habitué à penser en rapports. Voyez-vous une similitude avec la formation de communautés sociales ?

Chase
: Nous avons le cadeau de la relation remarquable entre Rudolf Steiner et Edith Maryon, comme grand exemple du mystère de ce qui s’exprime d’au-delà du seuil – à partir de l’éternité – ayant besoin de matière pour se manifester, un processus artistique pour le représenter et le miracle de la collaboration proche pour atténuer notre égocentrisme. Qu’est-ce qu’il nous faut de plus que ce fil pour notre travail et une leçon pour guérir les relations ?

Jüngel
: Enfant, vous avez fait une expérience marquante avec la grandeur et la profondeur de la nature. Voyez-vous une différence entre les impressions de la nature et l’inspiration par l’esprit ?

Chase
: Mon premier souvenir est la lumière du soleil captive dans un univers de gouttes de pluie. Ces gouttes gorgées de soleil entouraient les pierres d’un lieu ancien au milieu de la forêt tropicale et la montagne. Ce miracle de la lumière dans le substantiel m’a ouvert les yeux au monde. Il a réveillé en moi un sentiment profond pour la lumière cachée dans toutes les substances. Le souvenir de ce miracle ne m’a jamais quitté. C’est lui qui m’a entraîné vers ma vocation d’architecte et qui est à l’origine de ma rencontre avec Rudolf Steiner.

Parler et écouter

Jüngel : Qu’est-ce que la Société anthroposophique universelle peut apprendre de la culture et du mode de vie canadiens ?

Chase
: Nous faisons confiance au parler, parler et encore parler – et, je l’espère, aussi à écouter. Il s’agit là d’un cadeau des First Nations qui considèrent que toutes les voix doivent être écoutées, qu’elles ont chacune leur place et leur valeur. Nous n’aimons pas arriver trop tôt à un résultat car nous sentons qu’en allant trop vite on risque toujours de devoir rebrousser chemin. C’est une leçon difficile dans notre monde habitué à la rapidité, mais une leçon sur laquelle nous ne cessons de travailler.

Jüngel
: Qu’est-ce que la Société anthroposophique au Canada peut apprendre du mouvement anthroposophique mondial ?

Chase
: Peut-être que l’on m’a demandé de prendre le poste de secrétaire général pour que je fasse l’expérience de ce que cela pourrait être. Ce que l’anthroposophie donne au monde s’est développé ces dernières années pour devenir un kaléidoscope extraordinaire de possibilités. Si on le réduisait à quelque chose de déterminé, on limiterait ce qui est dans une croissance perpétuelle, qui s’étend et évolue – ce qu’on ne peut pas limiter.

Jüngel
: Nous avons commencé à trouver une qualité du Canada. Terminons sur une blague ou une anecdote que vous estimez typique du rire canadien.

Chase
: Bon, moi je ne vis ici que depuis quarante ans – ou bien ? – et je ne suis pas né avec des chaussures de hockey aux pieds ; donc, comment pourrais-je connaître l’humour canadien ? Mais, ce que je sais c’est que nous ne sommes absolument pas sûrs de qui nous sommes – c’est vrai ! Ou bien ? Exact, nous ne sommes pas des Américains – ou bien ? C’est vrai ! Venez nous rendre visite et souriez avec nous ! Ou pas ?


Web www.anthroposophy.ca

Interview de Robert McKay avec Bert Chase www.anthroposophy.ca/en/public...